Un meurtre parfait à la porte dorée
Laetitia Toureaux est née Nourrissat le
Laetitia-Marie-Joséphine, dite Yolande, est la fille d'un cultivateur italien, émigrée en France avec sa mère et ses trois frères et sœur.
Elle se marie en 1930 avec Jules Toureaux, potier en étain repoussé, qui mourra de la tuberculose en 1935.
Elle est naturalisée française par ce mariage.
En 1937, elle est ouvrière dans une firme industrielle de Saint-Ouen spécialisée dans la fabrication de cirage. « Ouvrière modèle et serviable » pour ses camarades d'usine, elle est en fait chargée par le patronat de les espionner.
Elle sort dans les bals et les guinguettes, et tient le vestiaire de l'As de Cœur (un bal musette situé rue des Vertus). Ses deux amants du moment sont « militaires sur des sites sensibles, l'un sur la ligne Maginot, l'autre au port de Toulon »
Le 16 mai 1937, c’est la Pentecôte, il a fait une chaleur caniculaire et les allées du bois de Vincennes sont bondées de promeneurs.
Mais le soir approche et l’orage aussi, alors les parisiens s’apprêtent à regagner leur domicile.
A la station Porte Dorée, comme ailleurs, il y a foule. Il est 18H29, quand la rame de métro 382 entre en gare.
Parmi les passagers, trois jeunes femmes se plaignent : les secondes classes vont être prises d’assaut, il sera impossible de s’asseoir !
L’une d’elles propose alors de faire preuve de malice et d’aller s’installer en première classe. Une fraude minime et qui a toute les chances de passer inaperçue.
Le wagon rouge de première classe vient s’arrêter tout près d’elles. A l’intérieur, une seule passagère : tête appuyée contre la vitre côté des voies, elle semble dormir sous son chapeau…
Tellement que, quand le train freine
un peu trop brusquement, la voilà qui s’écroule. Les jeunes filles ainsi qu’un
soldat viennent porter secours à la maladroite, quand ils remarquent un affreux
détail. La jeune femme a été poignardée dans la nuque avec un couteau à cran d’arrêt
resté planté, enfoncé jusqu’à la garde. Aucune goutte de sang n’a été répandue,
et l’inconnue est en train de mourir. Le militaire, médecin dans l’armée, en
peut que constater qu’elle a eu la jugulaire tranchée.
Quand le commissaire Badin arrive sur place, c’est pour piquer une colère de tous les diables.
La jeune femme est morte pendant qu’on la conduisait à l’hôpital, et le premier agent sur place n’a rien trouvé de mieux que de retirer à mains nues le couteau de la plaie. Ses empreintes sur le manche, du sang partout : une réussite !
Et ses collègues qui n’ont pas pris la peine de faire fermer la station pour empêcher que quiconque ne sorte, ce n’est pas mieux !
Dans le sac de la défunte, on trouve son nom et son adresse. Laetitia Toureaux, 29 ans, demeurant dans le 20ème arrondissement. Sa concierge se lamente tout en leur apprenant des détails sur sa vie.
On reconstitue rapidement l’emploi du temps de sa dernière journée : l’après-midi au bal musette, quelques instants de causette avec son frère avant de s’excuser et de se rendre à un rendez-vous place de la République.
Elle a pris le bus de Maisons Alfort, jusqu’à la porte de Charenton, où elle a été vue grimpant dans le métro à 18H27.
Deux minutes plus tard, tout était fini…
Soit Laetitia a été tuée au moment où elle s’est assise, et son meurtrier est descendu du métro avant même qu’il ne s’ébranle, soit il a commis son crime dans le tunnel entre les stations pour se mêler à la foule des secondes classes aussi discrètement que possible…
L'enquête menée
par le commissaire Badin révèle rapidement que cette jeune veuve avait une vie
tumultueuse, travaillant sous un faux nom dans une agence de détectives privés,
ayant des amants, visitant fréquemment et discrètement l'ambassade d'Italie, et
ayant des contacts avec les milieux fascistes italiens à Paris. Elle était
également en contact avec un membre de l'extrême-droite française, de la Cagoule.
Ce crime « parfait » est largement commenté à l'époque : le rôle trouble de Lætitia Toureaux dans la France de l'entre-deux-guerres suscite de multiples spéculations faisant intervenir pêle-mêle les services secrets et la Cagoule.
La guerre survient deux ans plus tard et l'affaire est classée, faute de progrès.
En 1948, un homme interné dans un hôpital psychiatrique s'accuse du meurtre, dans une lettre à la police.
En juin 1962,
un anonyme se disant médecin, né en 1915 à Perpignan, adresse une lettre à la
Police judiciaire dans laquelle il s'accuse de ce crime, a priori
passionnel, le jeune homme amoureux ayant été éconduit par la trop distante Laetitia.
Il raconte que la police a commis l'erreur de ne pas suffisamment interroger
tous les voyageurs restés à quai, et de le laisser partir.
Le crime étant
prescrit, le directeur de la PJ, Max Fernet, décide de ne pas rouvrir l'enquête.
Le nom de l'assassin ne sera jamais connu.
Laetitia Toureaux repose au cimetière parisien de Thiais.
Cette affaire, qui a suscité à l'époque maintes réactions, a inspiré
plusieurs ouvrages, dont :
- De mémoire d'homme - L'affaire Laetitia Toureaux, docu/fiction, Jacques Ertaud, 1978.
- Le Crime du dernier métro, Pierre Siniac, 2001 ;
- (en) Murder in the Metro : Laetitia Toureaux and the Cagoule in 1930 France, Gayle K. Brunelle et Annette Finley-Croswhite, LSU Press, 2012 ;
- Fragments d'un fait d'hier, Luc-Michel Fouassier, roman, éditions Luce Wilquin, 2013.
- Pierre Bellemare et Jean-François Nahmias, Derniers Voyages : Quand la mort est au bout du chemin, Flammarion, 431 p. « Les deux vies de Laetitia ».
Sources Wikipédia – Affaires criminelles de 1817 à nos jours 25 affaires criminelles mémorables.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire