Y a rien pour le Y !!
Si, il y avait bien l’affaire Yalda, le gang
des barbares, mais trop récente à mon gout.
Alors si vous voulez bien, nous allons à la
place du Y, parler du crime passionnel.
Mêlant le sexe à la mort, le « crime passionnel » fascine.
Brandie par les avocats dans les prétoires, cette notion n’a pourtant aucune validité juridique ; c’est une pure construction des journaux de XIXème siècle.
Le 12 aout 1951, le docteur Pierre. C. 42 ans, maire d’une commune du Loiret devenu secrétaire d’Etat, est fauché en pleine ascension politique. La veille, il aurait confié sur les bancs de l’Assemblée Nationale « Ma femme veut m’abattre ! Mais ce n’est pas grave, car elle ne le fera pas. »
Comme s’il s’agissait d’une bonne blague…
Le lendemain, on apprend à la radio la mort de Pierre. C. Sa femme, Yvonne, a tiré sur lui deux balles de révolver. La troisième a ricoché. Etendant son fils de 4 ans pleurer dans la pièce voisine, elle le dépose chez la concierge.
Puis est remontée à l’appartement pour donner le coup de grâce avec deux autres balles.
Elle sera pourtant acquittée à la cour d’assises, le 6 novembre 1952, après délibération de quarante minutes.
Le président du tribunal l’a comparée à une Phèdre en délire, les jurés ont décidé que cette épouse humiliée avait commis un « crime de passion ».
De multiples témoins avaient confirmé que le
mari trompait sa femme et l’insultait quotidiennement. Lorsqu’elle lui avait
déclaré quatre jours avant le crime avoir acheté un révolver pour se suicider,
il avait rétorqué : « Tue-toi
donc, c’est ce que tu auras fait de mieux dans ta vie ! »
Cinq mois avant cette affaire, Pauline D, qui tue par balles le 17 mars 1951 son amant désireux de rompre avec elle, sera condamnée à la perpétuité.
La différence entre ces deux homicides ?
La personnalité des meurtrières : l’une était une mère de famille, l’autre une jeune bourgeoise scandaleuse, qui avait été tondue en 1945 pour avoir couché avec des Allemands.
A la première le pardon, à l’autre l’infamie. Deux poids, deux mesures pour sanctionner ou excuser les passions amoureuses destructrices.
Et pour cause, rien n’est fixé, car le « crime passionnel » n’a jamais existé dans le Code pénal. La formule a été inventée en France au XIXème siècle par la presse à sensation émergente, désireuse de monter en épingle les faits divers, alors très à la mode, sous forme de feuilletons.
Les pires drames conjugaux sont transformés en récits spectaculaires, destinées à émouvoir ou à faire frémir.
Les Avocats vont se servir de cette construction médiatique pour séduire les juges et amoindrir les peines.
Par exemple « Carmen » nouvelle de Prosper Mérimée, adaptée en opéra en 1875 : une belle gitane provocante est assassinée par son prétendant lorsqu’elle lui annonce qu’elle ne l’aime plus…
« Si tu ne m’aimes pas, je t’aime, et si je t’aime, prends garde à toi ! »
Au IIème siècle avant J.C., le code conjugal formulé par Caton l’Ancien stipule déjà « le mari est juge de la femme (….) si elle a eu commerce avec un autre homme, il la tue ».
Deux mille ans plus tard, l’article 324 du Code
pénal de 1810 continue à considérer, que, « dans le cas d’adultère, prévu
par l’article 336, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur
le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison
conjugale, est excusable ».
Mais pour la femme, rien n’est prévu, et cela reste toujours du cas par cas.
Les passions mortelles font vendre les journaux. Pourtant, hier comme aujourd’hui, la plupart des auteurs de crimes dits passionnels sont des hommes.
Dès 1942, le criminologue Etienne de Greef
mettait en garde contre le « romanesque » attribué à certaines
affaires, visant surtout à dédouaner les criminels :
« L’expérience
nous apprend que les suicides et homicides par amour ne relèvent nullement de l’intensité
de l’amour ni de la qualité inouïe de la passion, mais uniquement d’insuffisances
graves dans la personnalité du coupable ».
Les dispositions de l’article 324 visant à
minorer le geste du mari ont été abrogées en 1975, mais le « crime
passionnel » continue à être évoqué dans les prétoires.
En 2019, dans les homicides conjugaux, quatre victimes sur cinq sont des femmes.
Sources : Ça m’intéresse Histoire hors-série septembre octobre 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire