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Joseph Vacher, le Chemineau Sérial KILLER


Beaufort en Isère, village natal de Joseph Vacher, au début du XXe siècle

Avant-dernier né d'une famille nombreuse (on ne lui compte pas moins de quinze frères et sœurs (*)) - et respectée de cultivateurs d'un petit village de l'Isère, non loin de Beaurepaire, Joseph Vacher est élevé dans une atmosphère teintée de mysticisme et de superstitions alimentée par sa mère, Marie-Rose dite Rosalie Ravit, de quinze ans plus jeune que son mari Pierre, femme très dévote, régulièrement en proie à des hallucinations

*Quatre enfants nés d'un premier mariage, de Pierre Vacher avec Virginie Didier : Virginie (née en 1839), Virgine (1840), Pierre (1844) et Marie-Philomène (1847), et douze autres enfants nés du remariage de Pierre avec Rosalie Ravit : Rosalie-Joséphine (1852), Jacques (1854), Auguste (1856), Louise-Antoinette (1858), Olympe (1860), Rosalie (1862), Victorine (1864), Pierrette (1865), Marceline (1867), les jumeaux Joseph et Eugène (1869), et enfin Louis (1872).


 


 

Il a un frère jumeau, Eugène, qui meurt précocement, à l'âge de huit mois, étouffé par une grosse boule de pain chaud qu'a négligemment posé sur lui l'un de ses frères.

Enfant, le jeune Joseph se serait montré d’un caractère sournois et cruel, aimant torturer les animaux. Il est aussi parfois pris de crises de démence, durant lesquelles il brise tout ce qui est à sa portée. Également violent et doué d’une force surprenante, il n'hésite pas à frapper ses frères et sœurs, même les plus âgés, se montrant tout aussi brutal avec ses camarades d’école.

Il commence à travailler à quatorze ans, à la mort de sa mère, et débute vraisemblablement sa carrière criminelle peu de temps après. Le 18 juin 1884, Joseph Amieux, un enfant de dix ans, est violé et tué dans une grange d'Eclose dans l'Isère. Vacher, qui se trouve dans la région à l'époque du meurtre, sera soupçonné d'en être l'auteur (mais seulement dix années plus tard), ainsi que de trois ou quatre crimes qui suivront et qui ne seront jamais vraiment élucidés.

À seize ans, il entre comme postulant chez les Frères maristes de Saint-Genis-Laval. Il y reste deux ans et y parfait son instruction, allant, semble-t-il, jusqu’à faire la classe aux enfants. Il est exclu à dix-huit ans pour indiscipline et immoralité, se voyant notamment reprocher de se livrer à des attouchements sur ses condisciples. Il restera néanmoins profondément marqué par ce passage chez les religieux. 

Il retourne alors dans son village natal de Beaufort et s'adonne aux travaux des champs. C'est à ce moment qu'il aurait tenté d'abuser d'un jeune valet de ferme âgé de douze ans. Il part ensuite pour Grenoble retrouver l'une de ses sœurs, Olympe, prostituée devenue tenancière de maison close, et que l'on a surnommée « Kilomètre » à cause de ses talents de « marathonienne des trottoirs ».

En 1888, il travaille dans une brasserie de Grenoble et fréquente les prostituées. Il contracte alors une maladie vénérienne qui l'amène à subir, le 11 février 1889, une intervention chirurgicale à l'hôpital de l'Antiquaille de Lyon, opération durant laquelle on lui enlève une partie d'un testicule. Cette opération castratrice l'aurait traumatisé.

Lors de son service militaire, il est envoyé le 15 novembre 1890 au 60e régiment d'infanterie de Besançon. Durant sa période militaire, il subira des brimades et « bizutages » de la part de ses camarades plus anciens. Ces derniers, ainsi que ses supérieurs, le décrivent comme psychiquement troublé, atteint d'idées noires et de délire de persécution.

Bien que classé quatrième de sa promotion à l’école des élèves caporaux, il est néanmoins recalé, car « inapte au commandement » selon les sergents-instructeurs, ce qui constitue pour lui une nouvelle source d’amertume et de colère. Pour protester contre cette injustice, Vacher tente de se trancher la gorge. À l’infirmerie où il est emmené, il subit son premier examen mental. Le colonel vient lui rendre visite et l’interroge. L’ayant jugé quant à lui apte au grade de caporal, il lui accorde finalement son galon. Une fois sorti de l’infirmerie, Vacher montre une aptitude certaine au commandement, même s’il est trop autoritaire. Ses qualités lui permettent d’être rapidement nommé sergent.

C'est durant cette période qu'il rencontre à Besançon une jeune cantinière du nom de Louise Barrand. Il la rejoint à Baume-les-Dames le 25 juin 1893 pour la demander en mariage.

Face au refus de cette dernière, qui s'est entre-temps éprise d’un autre soldat, il tire sur elle trois coups de revolver avant de tenter de se suicider en retournant l'arme contre lui. L'un et l'autre ne sont que blessés.

En ce qui concerne Vacher, deux balles (une dans le rocher et l'autre dans le cou), qui ont pénétré par l'oreille droite, ne peuvent être extraites et provoquent la surdité totale de ce côté, ainsi qu'une paralysie du nerf facial droit, qui laisse son œil droit injecté de sang plus grand que l'autre. À la suite de cet épisode, Joseph Vacher, dont l'oreille suppure en permanence, gardera presque toujours la tête couverte.

Considéré comme irresponsable car psychiquement atteint — il souffre en effet de crises de paranoïa et d'hallucinations —, il passe, à partir du 16 juin 1893, plus de six mois à l'asile de Dole, dans le Jura, où les soins qu'on lui prodigue sont limités. Le 2 août 1893, il est définitivement réformé de l'armée pour troubles psychiques. Le 12 septembre, le docteur Guillemin rend ses conclusions sur son état mental : « le sieur Vacher Joseph est atteint d'aliénation mentale caractérisée par le délire des persécutions ». Peu de temps après, il s'évade de l'asile, mais est arrêté à Besançon. De nouveau interné, cette fois-ci à Saint-Robert, il obtient son billet de sortie le 1er avril 1894, le directeur de l'institution, un certain M. Dufour, le considérant comme totalement guéri.

Livré à lui-même, il part sur le trimard, baluchon sur l’épaule et pulsions en bandoulière. Notre chemineau marche, vite, du matin au soir, sans but précis, mais en proie à des pulsions meurtrières, funestes, balises d’un parcours sanglant.

Après sa sortie de l'asile, Vacher retourne d'abord à Saint-Genis-Laval, puis se dirige vers Grenoble, en passant par Beaurepaire. C'est là que, le 19 mai 1894, est commis le premier meurtre avoué par Vacher, celui d'Eugénie Delomme, jeune ouvrière de vingt et un ans, violée et étranglée à 200 mètres de son usine. À partir de ce moment, et durant trois ans, Vacher aurait commis des crimes au hasard de sa route, laissant d'autres être suspectés à sa place, et il aurait échappé à toute enquête grâce à d'incessants déplacements. Il effectue jusqu'à 60 km à pied par jour, traversant la France de la Normandie au Tarn, via la Bourgogne et la vallée du Rhône, vivant de petits boulots dans différentes fermes.

Le 31 août 1895 est découvert à Bénonces dans l'Ain le corps horriblement mutilé de Victor Portalier, un jeune berger d'une quinzaine d'années éventré, égorgé, les parties génitales mutilées, et violé analement ; plusieurs témoins donnent alors le signalement d'un vagabond qui, comme signes particuliers, « a une cicatrice ou rougeur sur l'œil droit, porte un petit sac en toile et un bâton», mais le personnage en question semble s'être volatilisé. L'affaire reste en suspens.

Le 9 mars 1896, Vacher est arrêté pour vagabondage et coups et blessures, et est condamné par le parquet de Baugé à une peine d'un mois d'emprisonnement. Quelques jours auparavant, un homme répondant à son signalement avait failli être interpellé alors qu'il tentait de violer une fillette de onze ans à Noyen-sur-Sarthe.

Le 4 août 1897, Joseph Vacher est pris en flagrant délit d'« outrages publics à la pudeur » dans un bois à Champis, en Ardèche. Il a tenté d'agresser une fermière, Mme Plantier. Alerté par les cris de la victime, le mari de celle-ci, avec l'aide de deux autres personnes, est venu à son secours et a permis l'arrestation. Le 7 septembre, Vacher est, pour ce crime, condamné à trois mois de prison par le tribunal de Tournon.

 

Le juge d'instruction Émile Fourquet, qui a pris ses fonctions à Belley dans l'Ain en avril 1897, est cependant alerté du fait que le physique de Vacher correspond au signalement du principal suspect dans l'affaire du meurtre du jeune Portalier.

Le juge, qui dresse de grands tableaux de plusieurs crimes similaires, apparaît comme l'un des premiers profileurs français. Vacher est transféré à la prison de Belley et soumis aux interrogatoires de Fourquet.

 Devant le mutisme de Vacher, le juge use d'un stratagème pour connaître les endroits visités par l'homme : il lui dit qu'il écrit un ouvrage sur les vagabonds – ce qui est le cas, mais le sujet en est en fait les « vagabonds criminels » – et invite Vacher à parler de ses pérégrinations à travers le pays, ce que Vacher fait sans se douter du piège. Le juge constate ainsi que les errances de Vacher passent essentiellement par le Sud-Est de la France, la région du Rhône et de l'Ain, soit par des endroits où des crimes présentant certaines similitudes ont été perpétrés.


 

 

Le 10 octobre 1897, Vacher passe aux aveux d'abord pour huit meurtres.

Le 16 paraît dans Le Petit Journal une « lettre de Vacher », dont celui-ci a négocié la publication en échange de sa confession. Certains soupçonnent Vacher de se vanter d'avoir commis des crimes dont il a seulement entendu parler.

Cependant, c'est suivant les indications de Vacher lui-même que des ossements seront retrouvés dans un puits, le 25 octobre, à Tassin-la-Demi-Lune dans le Rhône. Selon le médecin légiste chargé d'étudier les restes – un dénommé Jean Boyer –, ceux-ci appartiendraient à une personne d'un sexe indéterminé, âgée d'une quinzaine d'années et morte depuis au moins trois mois sans qu'il ne soit possible, selon lui, d'indiquer une période précise.

On croit d'abord qu'il s'agit des restes de François Bully, un manœuvre de dix-sept ans, mais celui-ci se manifeste et, plus tard, grâce aux vêtements et à la denture, les parents de Claudius Beaupied, un jeune chemineau (vagabond) de quatorze ans, croiront reconnaître la dépouille de leur fils.

Parmi la cinquantaine de crimes dont Vacher finira par être suspecté, notamment par le juge d'instruction Émile Fourquet, Vacher avoue en tout onze meurtres et une tentative de viol 

Son procès s’ouvre enfin le 26 octobre 1898 à la cour d’assises du département de l’Ain qui siège au palais de justice de Bourg-en-Bresse.

Selon l'article 64 du Code pénal de 1810, « Il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. » Le 14 juin 1898, suivant la procédure judiciaire, le juge d'instruction Fourquet charge trois médecins – Alexandre Lacassagne, professeur de médecine légale à l'Université de Lyon, et les médecins aliénistes Antoine-Auguste Pierret et Fleury Rebatel – de dresser un rapport sur l'état mental de Vacher pour faire connaître « notamment si l'inculpé jouit de la plénitude de toutes ses facultés intellectuelles, s'il a conscience des actes qu'il commet et s'il doit être considéré comme responsable de ses actes et dans quelle mesure » ; deux autres médecins sont par ailleurs chargés de l'examen radiographique de la tête et d'inspecter l'oreille de Vacher.

Durant son procès, qui dure trois jours plein, l'accusé se comporte de manière excentrique, portant un panneau autour du cou sur lequel est écrit « j'ai une balle dans la tête » et hurlant « Vive Jésus ! Vive Jeanne d'Arc », sans que l'on sache s'il s'agit là d'un authentique délire ou d'une volonté d'amadouer et de susciter la pitié chez le jury en se faisant passer pour fou.

L'affaire est très suivie par la presse locale, nationale, et attire même l'attention de journaux étrangers.

Enfant, Vacher aurait contracté la typhoïde. À cette époque, le corps médical estimait que cette maladie pouvaient entraîner de graves séquelles tant au niveau physique que mental.

En outre, selon le rapport médico-légal établi par le docteur Bozonnet à la prison de Belley le 19 septembre 1897 : « Le nommé Vacher, détenu, vingt-huit ans, est atteint de débilité mentale, d’idées fixes voisines des idées de persécutions, de dégoût profond pour la vie régulière. Il présente une otite suppurée et une paralysie faciale, consécutives à un coup de feu. Il affirme aussi avoir deux balles dans la tête. La responsabilité de Vacher est très notablement diminuée».

En revanche, le rapport du docteur Lacassagne, à la suite d'une longue démonstration qui s'évertue davantage à souligner le degré d'atrocité des crimes reprochés à Vacher, conclut : « Vacher n'est pas aliéné ; il est absolument guéri et complètement responsable des crimes qu'il a commis et avoués».

Vacher est, à tout le moins, atteint d'une sorte de graphorrhée. En prison, il ne cesse d'écrire des lettres. Il écrit notamment au juge pour que lui soit fourni du papier, ou pour lui réclamer une chaise pour pouvoir écrire à son aise, la seule chaise dont il dispose étant scellée au mur et le forçant à écrire debout.

Durant son incarcération, l'accusé écrira une « lettre aux français » qui sera publiée dans Le Petit Parisien.

« À la France,

Tant pis pour vous si vous me croyez responsable…. Votre seule manière d’agir me fait prendre pitié pour vous… Si j’ai conservé le secret de mes malheurs, c’est que je le croyais dans l’intérêt général mais vu que peut-être je me trompe je viens vous faire savoir toute la vérité : Oui c’est moi qui est commis tous les crimes que vous m’avez reprochés… et cela dans des moments de rage. Comme je l’ai déjà dit à Mr le Docteur chargé du service médical de la prison de Belley, j’ai été mordu par un chien enragé vers l’âge de 7 ou 8 ans mais dont je ne suis pas sûr moi-même bien que cependant je me souviens très bien d’avoir pris des remèdes pour cet effet. Mes parents seuls peuvent vous assurer des morsures, pour moi j’ai toujours cru depuis que j’ai dû réfléchir à cet événement que ce sont les remèdes qui m’ont vicié le sang à moins que réellement ce chien m’ait mordu. »

Après un quart d'heure de délibérations, Joseph Vacher est, le 28 octobre 1898, à l'âge de vingt-neuf ans, condamné à mort par les assises de l'Ain pour le seul assassinat de Victor Portalier. La demande de grâce auprès du président Félix Faure est rejetée.

Le dernier jour de l'année 1898, il est guillotiné sur le Champ-de-Mars de Bourg-en-Bresse par le bourreau Louis Deibler ; ce sera d'ailleurs la dernière exécution effectuée par celui-ci, sa démission devenant effective le 2 janvier de l'année suivante.

Les dernières paroles du condamné seront : « C'est heureux que je me sois fait couper les cheveux » selon Le Petit Parisien — Vacher a en effet demandé qu'on lui rase le crâne et la barbe peu de temps auparavant—, « La voilà, la victime des fautes des asiles » et « Vous croyez, en me faisant mourir, expier les fautes de la France. La France est coupable ! Tout est injustice. […] » Plus de deux mille personnes assistent à l'exécution, malgré la pluie et le froid, bien que l'exécution ait lieu la veille du Jour de l'An. Le couperet tombe à sept heures trois.

 

 

« Le réveil de Vacher ». Joseph Vacher, le jour de son exécution. Une du Supplément illustré du Petit Journal, no 426, 15 janvier 1899. La légende dit : « L'abominable Vacher a été exécuté ; la société l'a, non pas puni, le châtiment ne serait pas équivalent à ses crimes, elle l'a supprimé, elle s'est délivrée de lui ; c'est ce qu'elle avait de mieux à faire. Si, en écoutant certains philanthropes, on avait enfermé Vacher, il est bien probable qu'il se serait évadé et de nouveaux crimes auraient été commis. »

 


Pour aller plus loin

https://www.youtube.com/watch?v=O2HoaEmi-Cs

https://www.youtube.com/watch?v=dlWEog1e7Fo

https://www.youtube.com/watch?v=gZT8k1E6VbM

https://video.lefigaro.fr/tvmag/video/le-juge-et-l-assassin-vf-diffuse-le-28-10-19-a-20h55-sur-arte/6094902272001/

https://www.arte.tv/fr/videos/084469-025-A/le-juge-et-l-assassin-rencontre-avec-bertrand-tavernier/

 

·         ·  ·  A.D. Ain, Affaire Vacher [archive]. 54 à 146 Première information pièce de forme. no 11-12. Lettre adressée au procureur de la République par le procureur général, dans laquelle il note : « Il y a lieu de remarquer que l'état de l'inculpé doit dès maintenant attirer toute votre attention et que, s'il est établi que nous sommes en présence d'un fou, il sera très suffisant d'être fixé sur sa participation aux différents crimes qu'il semble reconnaître, sans qu'il soit nécessaire de pousser au-delà l'information, qui ne deviendrait nécessaire, qu'autant que la responsabilité pénale du détenu pourrait être affirmée. » Il termine en disant : « Il va de soi, toutefois, qu'il serait fort inutile de faire connaître aux journalistes que cette communication est la condition demandée par l'inculpé pour prix de ses révélations. »

 

Sources ;

Wikipédia

Archives de l’Isère

2 commentaires:

  1. Je me souviens du film "Le juge et l'assassin" avec Michel Galabru à contre rôle, exxcellent film sur la vie de Vacher !

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