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L’horrible crime des Sœurs Papin

 

Christine Papin (8 mars 1905 - 18 mai 1937) et Léa Papin (15 septembre 1911 - 24 juillet 2001), plus connues sous le nom des sœurs Papin, sont deux employées de maison, auteures d'un double meurtre sur leurs patronnes le 2 février 1933 au Mans. 

 

 


Ce fait divers tragique, qui deviendra « l'affaire Papin » avec le procès des domestiques « modèles », a éveillé l'intérêt de la France entière, des couches populaires aux milieux littéraires et intellectuels.

Cela dit, cet engouement s'est plus apparenté à une excitation généralisée, les uns exigeant la mise à mort, les autres niant la singularité de ce crime ou au contraire vantant sa valeur de transgression et soulevant la question de l'exploitation des classes laborieuses.

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Les sœurs Papin sont nées de l’union de Clémence Derré, épouse infidèle et peu maternelle, et de son mari Gustave Papin, homme faible et buveur. Le couple s'est marié en octobre 1901 et donne naissance en février 1902, quatre mois après son mariage, à Emilia, fille aînée du couple. Puis il donne naissance à Christine le 8 mars 1905 et Léa le 15 septembre 1911. Clémence quitte son mari après la découverte du viol d’Emilia par son père lorsque celle-ci est âgée de 10 ans. Le divorce est prononcé en 1913 sans que l’inceste soit dénoncé et Emilia part en maison de correction, placée par sa mère. Emilia, qui rentre dans les ordres, est alors traitée comme la fautive, probablement aussi parce qu’il existe un doute sur la paternité biologique de Gustave.

Ni Christine, ni Léa ne sont élevées par leur mère, qui les place et déplace à son gré tout au long de leur enfance et de leur adolescence, jusqu’à leur entrée chez les Lancelin.

 Quand elles ne sont pas placées dans des institutions religieuses, chacune de ces deux sœurs vit comme bonne avec une femme seule, avant de se retrouver ensemble. Christine et Léa changent assez souvent de maisons sur ordre de leur mère, qui considère toujours leurs gages insuffisants. Clémence place Christine chez les Lancelin à 22 ans, celle-ci ayant obtenu deux mois plus tard que sa sœur soit engagée pour l’assister.

Les règles en vigueur dans la maison sont posées dès l’embauche : notamment ne s'adresser à personne d'autre que les patrons (les époux Lancelin et leur fille Geneviève, 21 ans), mais elles sont bien payées (salaire mensuel de 300 francs français), sont nourries, logées et blanchies si bien qu'en sept ans de service, elles ont économisé 22 200 francs français sur leur salaire.

Les deux sœurs sont dépeintes comme des servantes modèles par leurs anciens employeurs ainsi que par Monsieur Lancelin et les voisins et amis, qui notent cependant presque tous une intolérance teintée de bizarrerie de la part de Christine vis-à-vis des observations que peuvent lui faire ses employeurs.

Le 2 février 1933, à 18h30, 6 rue Bruyère, un avoué du Mans Me LANCELIN, retrouve chez lui sa femme et sa fille mortes, et les deux bonnes, Léa et Christine Papin, enfermées dans leur chambre, pleines de sang, les armes du crime à côté d’elles.

Dès le lendemain, la presse se fait écho du double crime du Mans, commis par les deux sœurs.

Deux jours plus tard, « Le Figaro » relate tous les détails les plus sordides : « le médecin légiste a relevé sur la tête et le corps de Mlle Geneviève Lancelin les traces de 30 coups de marteau et de 20 coups de couteau. La malheureuse a eu l’œil gauche arraché par Léa Papin.

Quant à Mme LANCELIN, elle a eu les deux yeux arrachés par Christine Papin, qui lui a ensuite réduit la tête en bouillie avec le marteau.

Dès lors, la question se pose dans les journaux : « les deux sœurs sont-elles folles ? »

Le soir du crime, Léa a laissé tomber pour la deuxième fois des objets (des petits pains) à un endroit différent de la place qui leur était habituellement réservée. La première fois, cinq ans plus tôt selon Léa, cette dernière avait laissé par inattention sur le tapis un morceau de papier tombé de la corbeille. Madame Lancelin l’avait alors appelée pour la punir en la prenant par l’épaule et en la pinçant fortement, la mettant à genoux en lui ordonnant de ramasser. Étonnée de ce geste de mauvaise humeur inhabituel chez sa patronne, Léa l’avait relaté le soir même à sa sœur en ajoutant : « Qu’elle ne recommence pas ou je me défendrai. »

Par ce geste, la maîtresse de maison avait marqué sa mainmise sur Léa, lui signifiant qu’elle pouvait disposer de son corps et y laisser une marque, une trace de plus parmi celles laissées par l'instrumentalisation de celui-ci. Les experts ont considéré cet épisode sans incidence du fait que Christine et Léa disaient ne plus y avoir pensé, alors que cette punition ne pouvait être oubliée, du fait de son caractère exceptionnel et significatif.

Pour trouver une explication, on interroge le passé des meurtrières : « On trouve, en fouillant dans l’enfance, le caractère sournois, les instincts méchants qui, avec l’âge se développent. Et dans la vie des parents, nous allons trouver une lourde hérédité », raconte, le 4 février, « le petit Journal ».

Et de continuer : au divorce de leurs parents en 1912, « Mme Papin se débarrasse de ses enfants et, dès qu’elles ont atteint 12 ans, la mère les retire de l’orphelinat et les place comme domestiques ».

« L’Humanité » du 5 février voit dans ce fait divers « un drame au caractère nettement social », et titre « Les Meurtrières du Mans sont des victimes de l’exploitation et de la servitude »

Le procès des «arracheuses d’yeux» comme les surnomme » Le Petit Journal » se tient en septembre 1933, aux assises de la Sarthe, et après sept mois d’instruction, on ignore toujours la cause du drame.

L'instruction dure 25 semaines. En , Christine Papin change de version devant le juge d'instruction Hébert, s'accusant des deux meurtres.

 

Le juge modifie l'acte d'accusation, Léa devenant seulement la co-accusée du meurtre de Madame Lancelin.

Lors du procès Papin, aussi bien l’instruction que l’étude psychiatrique montrent le peu d'empressement des personnels à recueillir des informations précises. La précipitation à conclure du juge, de l'accusation et des jurés, est par ailleurs dénoncée par de nombreux observateurs, dont le chroniqueur de L'Œuvre qui écrit dès le lendemain du verdict : «On ne devrait pas rendre ainsi la justice dans la fièvre des après-dîners et des digestions difficiles»

Quand le magistrat demande à Christine Papin : «vous n’avez rien à reprocher à aucun membre de cette famille ?», celle-ci répond : «Rien du tout».

D’après le médecin qui procéda au premier examen mental, «on ne peut rien trouver chez elles au point de vue mental. Il ne s’agit pas d’un crime de folles, ce n’est pas non plus un crime d’épileptique», rapporte «L’Ouest Eclair» du 30 septembre.

Rien n’expliquerait donc ce drame ? Depuis le soir du crime, on a cherché le mobile de cette tragédie. Qui l’a trouvé ? Personne.

Mr HEBERT, juge d’instruction, (…) s’est heurté à deux femmes qui ont dit ce qu’elles savaient. Mais au-delà ! Rien ! "Que du vide et du mystère" conclut «L’Ouest Eclair»

Après trente minutes de délibérations, le jury condamne Léa Papin à dix ans de travaux forcés, et Christine à la Peine de mort, commuée en travaux forcés à perpétuité par le Président Albert Lebrun le 22 janvier 1934.

Christine Papin est alors transférée à la prison centrale de Rennes où elle sombre dans un état dépressif avec refus systématique de toute alimentation. Elle est hospitalisée le à l’asile public d’aliénés Saint-Méen de Rennes où elle sombre dans la schizophrénie, le plus souvent prostrée, immobile, muette. Souffrant de malnutrition, elle y meurt le , de cachexie vésanique, à l'âge de 32 ans

Léa Papin quant à elle retrouve sa mère à sa libération en 1943. Elle travaille des dizaines d'années comme femme de chambre dans divers hôtels du Grand Ouest. À sa vieillesse, elle est recueillie à Nantes (au no 13 de la rue Dobrée) par un couple qui la fait passer pour une troisième mamie à leurs enfants. Elle meurt le à l'âge de 89 ans, sans s'être jamais mariée ni avoir eu d'enfant (elle est enterrée au cimetière La Bouteillerie à Nantes).


Pour aller plus loin

https://www.youtube.com/watch?v=p390rXYaPXo

https://www.youtube.com/watch?v=sTQ77ugL3ng

https://www.retronews.fr/video/1933-les-soeurs-papin-lhorrible-drame-du-mans

https://www.youtube.com/watch?v=MzbAhtlzau0


 

Plusieurs œuvres sont inspirées plus ou moins librement de l'histoire des sœurs Papin :

Bibliographie

  • Isabelle Bedouet, Le Crime des sœurs Papin. Les dessous de l'affaire, Paris, Éditions Imago, 2016
  • J. Allouch, « Exorbitantes sœurs Papin », Littoral, no 9, 1981
  • Anne-Claude Ambroise-Rendu, « Papin, sœurs », dans François Angelier et Stéphane Bou (dir.), Dictionnaire des assassins et des meurtriers, Paris, Calmann-Lévy, 2012, 607 p. (ISBN 978-2-7021-4306-3, présentation en ligne [archive]).
  • Frédéric Chauvaud, L'effroyable crime des sœurs Papin, Paris, Larousse, coll. « L'histoire comme un roman », 2010, 239 p. (ISBN 978-2-03-584589-4, présentation en ligne [archive])
  • F. Danet et S. Ferrucci, « L’affaire Papin travestie », Libération, 20 décembre 2000, Rebonds
  • F. Danet et S. Ferrucci, « L’affaire Papin : le procès fou d’une folie à deux », Nervure, vol. XIV, no 8, novembre 2001, p. 42-47
  • Francis Dupré, La « solution » du passage à l'acte : le double crime des sœurs Papin, Toulouse, Érès, coll. « Littoral. Fabrique du cas », 1984, 266 p. (ISBN 2-86586-024-8, lire en ligne [archive])
  • M. Fleury, « À propos d’un cas de violence criminelle : le double meurtre des sœurs Papin », Études psychothérapiques, no 9, 1994
  • Paulette Houdyer, Le diable dans la peau, Paris, René Julliard, 1966, 1re éd.
  • Jacques Lacan, « Motifs du crime paranoïaque : le double crime des sœurs Papin », Le Minotaure, no 3, décembre 1933
  • P. Legendre, Le crime du caporal Lortie, Traité sur le père, Leçons VIII, Paris, Fayard, 1989
  • M. M. Lessana, Entre mères et filles : un ravage, Paris, Pauvert, 2000
  • Véronique Lesueur-Chalmet, Femmes et criminelles : des sœurs Papin à Simone Weber, une histoire sanglante des faits divers, Paris, Le Pré aux clercs, 2002, 144 p. (ISBN 2-84228-125-X, présentation en ligne [archive])
  • Paulette Houdyer, L'affaire Papin, Editions Cénomane, 2002.
  • P.-C. Racamier, « Troubles de la sémantique », in Encycl. Med. Chir., Paris, Psychiatrie, 37130 C10, 1-7, 1955.
  • G. Vialet-Bine et A. Coriat, Les sœurs Papin ou la folie à deux, Séminaires psychanalytiques de Paris, Enseignement de 7 grands cas de psychanalyse, 1995.
  • Jean-Marc Loubier et Serge Cosseron, Femmes criminelles de France, Éditions de Borée, 2012

Radio

« Sur France Culture, les sœurs Papin, bonnes et rebelles » [archive], sur Télérama.fr

Documentaires télévisés

  • « L'horrible crime des sœurs Papin » épisode 6 de la saison 3 dans Des crimes presque parfaits sur Planète+ CI.
  • « Christine et Léa Papin, les sœurs meurtrières » le 1er juillet 2015 dans Stéphane Bourgoin raconte sur Planète+ Justice.

 

Sources

Wikipédia

Secrets d’Histoire N° 3

You tube

Les grandes affaires criminelles hors série N° 111

 


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