#ChallengeAZ - M - Marius Jacob et les travailleurs de la nuit

 

Marius Jacob et les Travailleurs de la nuit

D’origine alsacienne, Marius Jacob naît dans le quartier du Vieux-Port à Marseille le 29 septembre 1879 dans un milieu prolétaire. Son père a fui sa région devenue allemande et est cuisinier sur les paquebots des Messageries maritimes, puis boulanger ; sa mère est mineure.

À l'époque, Marseille est une ville en plein développement, très populaire et fortement cosmopolite ; elle est marquée par des conflits sociaux très violents.

Ses parents s'installent rapidement dans un deux pièces, sans eau ni électricité, rue Jobin, dans le quartier de la Belle de Mai. En manque d'aventures, le boulanger boit et reporte sur son fils unique ses rêves de grand large.

Après une enfance calme et heureuse, grand lecteur de Jules Verne, Marius s'engage à douze ans (dès qu'il a obtenu son certificat d'études) comme mousse puis apprenti timonier pour un voyage qui le mène jusqu'à Sydney où il choisit de déserter.

Au cours de ses services sur au moins huit navires, il aura connu le haut (la « jet set » du premier pont) et le bas (les marins aux désirs desquels il se refuse, les bagnards, voire les esclaves transportés dans les cales) de la société.

Il dira, lors du procès d'Amiens : « J'ai vu le monde ; il n'est pas beau. » Après un bref épisode de piraterie, à laquelle il renonce par rejet des méthodes qu'il juge d'une trop grande cruauté (le massacre d'un équipage), et des tentatives de cabotage, il revient à Marseille en 1897 et abandonne définitivement la marine, miné par des fièvres qui l'accompagneront toute sa vie.

Pourtant, il commençait à se former à l'océanographie avec l'espoir de devenir capitaine au long cours. Apprenti typographe, il fréquente les milieux anarchistes et y rencontre Rose, avec qui il décide de vivre. Il lit Élisée Reclus, Pierre Kropotkine et Malatesta. Il devient assez vite militant actif et enthousiaste.


Compromis dans une affaire d'explosifs et quelques menus larcins, Jacob est condamné à six mois de prison et fiché par la police. Cela rend sa réinsertion très difficile : chaque fois qu'il trouve un travail, la police se présente et contraint son patron à le renvoyer. Il va alors choisir « un illégalisme pacifiste ». Adepte de la théorie anarchiste de la « reprise individuelle », il se détourne de la stratégie de la bombe et décide de devenir cambrioleur.

 

Abbeville (Somme) dans la nuit du 21 avril 1903. Trois hommes quittent en toute discrétion une villa de la place Saint Pierre, qu’ils viennent de « visiter » en direction de la gare de Pont Rémy.

Ça drache dru, les rues sont désertes. Le premier train pour Paris est au petit matin. Le trio attend dans la pénombre, lorsque deux policiers en planque lancent les sommations d’usage.


L’arrestation tourne mal, un agent est tué. Un des bandits, Marius Jacob est arrêté et jeté en prison.

Alexandre Marius Jacob dit « Marius Jacob » n’est pas un inconnu pour la justice.

 

Ancien ouvrier imprimeur, c’est un militant libertaire et un théoricien de l’illégalisme.

A la tête des travailleurs de la nuit, une association anarchiste, il mène son combat contre le capitalisme.  Et pour ce faire, il s’ingénie à prendre l’argent là où il se trouve. Belle originalité …

Dans les pages de l’hebdomadaire « Voilà », le grand reporter Alexis Danan décrit « Jacob » comme « un homme d’infinies ressources, ouvrier d’une adresse rare, au surplus chef à la tête froide et organisateur de génie ».

Dès ses débuts en 1900, Jacob constitue sa bande qu’il organise en brigades, réparties en trois grandes zones géographiques dans tout le pays. Le mode opératoire des voleurs repose sur une grande mobilité, des repérages minutieux et l’utilisation du réseau ferré, dont ils apprennent les horaires par cœur.

En choisissant d’écumer les villas et propriétés, ainsi que les églises (Jacob déteste le clergé), des petites villes de province, la bande est certaine de ne pas se retrouver nez à nez avec de solides forces de police.

Ordinairement un éclaireur a « marqué » et mis des scellées sur une dizaine de demeures momentanément inhabitées.

Le jour J, Jacob et deux habiles « monte en l’air » débarquent par le train du soir ; se rendent dans les villas « marquées », les vident des objets de valeurs, percent les coffres forts… et repartent tranquillement par le premier train du matin.

Le temps que leurs forfaits soient découverts, les bijoux, métaux précieux et autres ménagères en argent massif ont déjà rejoint la fonderie maison !

Quant aux actions et autres titres, ils sont vite écoulés via un astucieux circuit passant par l’étranger.

Marius Jacob fait preuve de beaucoup d'ingéniosité. Pour voir si les personnes qu'il projette de cambrioler sont chez elles, il coince des morceaux de papier dans leurs portes et passe le lendemain vérifier s'ils sont toujours en place ; c'est, de plus, un as du déguisement qui opère sous un nombre important de pseudonymes. L'une de ces créations notoires est celle du « coup du parapluie » : un trou est pratiqué dans le plancher de l'appartement du dessus.

Un parapluie fermé est ensuite glissé dans l’ouverture puis ouvert par un système de ficelles afin de récupérer les gravats lorsque ses complices agrandissent le passage. Évitant ainsi le bruit de leur chute. Il lui arriva de refermer les portes par un de ses mécanismes de ficelles et de morceaux de bois, de manière à faire croire qu'il était toujours à l'intérieur ; il assista une fois de la terrasse d'un café à un assaut en règle donné à une maison pillée dans la nuit.

On voit que son humour se donne libre cours également : il signe ses forfaits d'une carte au nom d'Attila ; il y laisse parfois des mots, comme « Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d'autres. » (Rouen, église Saint-Sever, nuit du 13 au 14 février 1901). Il fait parfois preuve d'une classe inattendue dans ce milieu : cambriolant la demeure d'un capitaine de frégate, Julien Viaud, il s'aperçoit soudain qu'il s'agit de Pierre Loti, remet tout en place et laisse un de ses fameux mots : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire. Attila. - P.S. : Ci-joint dix francs pour la vitre brisée et le volet endommagé. ».

Le 8 Mars 1905, le procès de Jacob et de ses 23 travailleurs de la nuit débute devant la cour d’assises de la Somme.


Le dossier est lourd de quelques 20 000 pièces et l’acte d’accusation compte 161 pages. 106 cambriolages leur sont imputés. Les sommes du butin amassé donnent le vertige.

 


Dès le début des débats, Jacob revendique les deux meurtres de policiers, seuls crimes de sang de la bande, bien que les expertises balistiques le disculpent.

L’homme aime les gens du peuple. Devant son auditoire, venu en masse, il fait le spectacle et fait du procès une tribune pour ses idées, étonnant par sa truculence, son sens de la répartie, son idéalisme et son éloquence :


 


« Je n'ai ni feu, ni lieu, ni âge, ni profession. Je suis vagabond, né à Partout, chef-lieu Nulle-part, département de la Terre. » ; « Vous savez maintenant qui je suis : un révolté vivant du produit de ses cambriolages. » ; « Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. ».

Il réplique au président du tribunal qui lui demandait pourquoi, lors d'un cambriolage, il avait volé un diplôme de droit sans valeur marchande :

« Je préparais déjà ma défense. ». Toujours au président qui essaie de lui décrire un cambriolage, il répond : « Monsieur le président, vous faites erreur. Pour envoyer les gens au bagne ou à l’échafaud, vous êtes compétent. Je n'en disconviens pas. Mais en matière de cambriolage, vous n'y entendez rien. Vous ne m’apprendrez pas mon métier ».

Dans « L’illustration », l’envoyé spécial écrit « Son attitude est extraordinaire. Il raille, il bafoue ses victimes dont la richesse, dit-il, est une insulte permanente à la misère (….). C’est un type peu banal, malfaisant, dangereux, mais curieux. Il ironise, plaisante, parfois pas sottement, cynique, jamais à court de réparties ».

 


D’accusé, Jacob se fait accusateur, dénonçant le « vol légal » l’’héritage, la propriété. Il se livre à un plaidoyer en faveur des victimes de l’inhumain capital. Il réussit son coup. Le public l’ovationne.

 

Des « Vive l’Anarchie » fusent, tandis que Jacob et ses comparses rejoignent sous protection la prison de Bicêtre.

Le Président terminera le procès en l’absence des accusés, afin d’éviter l’émeute.

Le procureur requiert la peine de mort, les jurés accordent les circonstances atténuantes, malgré les pressions de la cour.

A 25 ans, Marius Jacob est condamné au bagne à perpétuité. Il en sortira 19 années plus tard. Le 28 aout 1954, l’ancien travailleur de la nuit met fin à ses jours en compagnie de son chien, laissant le dernier de ses fameux mots :

« […] Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J'ai la cosse (flemme). Excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la paneterie (pièce du pain). À votre santé. »

Libre enfin !

 

 


 

Pour aller plus loin

Documents vidéos

Spectacles

Émissions radiophoniques

 


https://www.youtube.com/watch?v=xQVe5BOLu9o

https://www.dailymotion.com/video/x18airl

https://www.facebook.com/watch/?v=358205725570882

 

Sources

Secrets d’Histoire N° 17

Wikipédia

You tube

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire