#ChallengeAZ - R - Amélie Rabilloud

 

Amélie Rabilloud

 

Pendant trente ans, elle a ravalé sa frustration, les petites humiliations quotidiennes, une accumulation de mesquineries subies et de déconvenues inexprimées.

Amélie Rabilloud, 53 ans, décide juste avant Noël 1949 qu’elle doit en finir avec son mari, Georges, adjudant à la retraite.

Un divorce ne suffirait pas, seule une rupture beaucoup plus radicale parviendrait à apaiser toute sa colère refoulée.

Cette petite femme toute chétive nourrit une immense détermination : depuis plusieurs jours, elle a caché sous le buffet de la cuisine, un marteau de maçon qui lui servira d’arme.

Le jour venu, elle s’approche de son mari par derrière.

Il est en train de lire son journal, confortablement calé dans son fauteuil.

En prenant une grande inspiration, elle lève des deux mains l’arme du crime et lui assène un grand coup sur la tête.

Georges s’affaisse.

Amélie continue à frapper, de plus en plus légère, de plus en plus soulagée, mais il faut qu’elle se débarrasse du corps.

Pendant trois jours, avec une hache et un couteau de boucher, elle le découpe en petits morceaux, qu’elle emballe dans des sachets. Puis, elle part pour de longues marches dans la campagne environnante, emportant des bouts de cadavre dans son filet à provisions.

En baguenaudant, elle les jette dans des poubelles, des bouches d’égout.

Georges est éparpillé façon puzzle.

Elle brûle tous ses vêtements, repeint les pièces chez elle.

Amélie tente même de se forger un alibi : elle s’expédie un télégramme prétendument rédigé par son mari, lui faisant dire qu’il est à Bordeaux et qu’il la quitte pour toujours.

Cette fragile duperie ne servira à rien. Des fragments de corps sont retrouvés par la police début janvier.

Amélie décide alors d’assumer son acte.

Avant même que le cadavre soit identifié et que l’enquête soit remontée jusqu’à elle, l’épouse assassine se rend au commissariat pour signaler la disparition de son mari : à peine commence-t-on à l’interroger qu’elle passe aux aveux « Je l’ai fait disparaître … » déclare-t-elle simplement.



Son procès s’ouvre le 29 février 1952. Elle risque la peine de mort, mais le cas de cette petite femme timide et bredouillante parvient à émouvoir la cour d’assises de Versailles.

Au juge qui lui demande « pourquoi le marteau ? », elle répond comment Rabilloud la prenait pour une attardée : « deux fois, il m’avait montré le marteau en me disant : tu as tellement peu de tête, si je t’en donnais un coup, on ne s’apercevrait pas du changement ! – s’il ne m’avait pas menacée avec ce marteau, je n’aurais pas pensé à m’en servir »

Amélie décrit l’ancien militaire comme un compagnon avare et chicanier, qui ne perdait pas une occasion de lui rendre la vie impossible : « Vraiment, je n’en pouvais plus… C’est lui qui faisait le manger. Il me privait de tout ».

Une dernière querelle dont elle se souvient : il l’avait empêché d’écouter le TSF pour économiser de l’électricité. Sa seule distraction ! A cette évocation qui lui parait si cruelle, Amélie se cache le visage dans ses mains et sanglote.

Le Juge M. Dejean de la Batie est embarrassé.

« Voyons ! Nous essayons de vous comprendre. Aidez-nous. Nous voulons que le châtiment que nous pourrions avoir à vous infliger soit proportionné à votre responsabilité, à votre culpabilité ».

Amélie explique seulement qu’elle sentait « ne plus pouvoir faire autrement ».


Juste avant le procès, elle a été examinée par plusieurs psychiatres.

Conclusion ; elle souffre d’hyperémotivité par accumulation de chocs moraux. Sans la déclarer irresponsable, ils recommandent que sa responsabilité pénale soit fortement atténuée.

Elle est condamnée à cinq ans de prison.

 

Après avoir purgé sa peine, Amélie revient chez elle à Savigny sur Orge. On croisait parfois  à l’arrêt d’autobus cette petite dame tranquille.

Puis on l’oublie. Sa mort n’apparait même pas dans les journaux.

Seule l’écrivaine Marguerite Duras, fascinée par ce fait divers, en fait le personnage central sous le nom  de « Claire Lannes », de son roman de 1967 « L’Amante Anglaise ».

Elle l’adapte en 1968 en pièce de théâtre avec Madeleine Renaud dans le rôle principal.

 

Sources

Ça m’intéresse Histoire – les 50 plus grandes criminelles de l’histoire (hors série)

 

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