#GENEATHEME - 1 Jour 1 Poilu





#GENEATHEME – 1 Jour 1 Poilu



Comme j’ai déjà écrit pour le challenge AZ sur les journaux d’opérations militaires, hôpitaux militaires,  infanterie coloniale, et sur Louis AVERTY frère de ma Grand-mère mort pour la France,

J’ai choisi pour ce mois de Novembre, d’écrire sur « 1 Jour 1 poilu », et plus précisément sur les sonneurs bretons pendant la première guerre mondiale.



Vous retrouverez en fin d’article, cinq sonneurs d’aujourd’hui, habillés en Poilus, le 11 novembre jour de la Commémoration pour rendre hommage aux Poilus morts pour la France.

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Pendant la première guerre mondiale, les Bretons se mettent en tête d’offrir à leurs compatriotes, partis se battre dans les tranchées, des binious et des bombardes pour chasser « le mal du pays », et raviver leur ardeur au combat.

 Les journaux « Kroaz ar Vretoned » en Trégor, et « L’Union agricole et maritime », en Morbihan, publient en janvier 1915 un appel dans le but de pouvoir acheter des instruments et de les envoyer aux régiments bretons.
C’est un succès ; 22 bombardes et binious sont commandés ! On adresse les instruments au hasard des demandes aux 62è, 262è et 248è RI et aux 73è et 88 RIT.
 

 
 Témoignage du sous-lieutenant Escande, écrit le 27 avril 1915 :



"Ils sont arrivés hier matin ……. Ouvrir le colis, appeler les joueurs de la compagnie, monter le biniou et la bombarde, essayer les anches, fut l’affaire de quelques minutes"
"Bientôt, nos bardes essayent leurs instruments et se mettent d’accord. Mais le bruit de son arrivée s’est vite répandu et les premiers sons entendus au loin ont vite convaincu les plus incrédules."








"Devant la salle où les joueurs essaient leurs instruments, la compagnie s’est bientôt rassemblée."
"Ah, je vous assure qu’il est inutile de faire la chasse aux retardataires, comme lorsqu’il s’agit d’une corvée ! Tout le monde est là, ceux de Pontivy, et ceux de Camors, les gars d’Hennebont à côté de ceux d’Etel, ou d’Auray, tout le monde est là, prêtant l’oreille, un sourire aux lèvres, les yeux brillants de plaisir, retrouvant à la fois leur jeunesse et leur pays évoqués par les sons de ces instruments."
"Devant cet auditoire, les joueurs se font un peu prier ; il y a si longtemps qu’ils n’ont pas touché un biniou ou une bombarde, et les bons joueurs sont rares. Mais le public sera indulgent. D’ailleurs, voici les maitres sonneurs ; Aupied de Pontivy, Jarno de Pluvigner.
"Sous leurs doigts agiles, biniou et bombarde mêlent leurs trilles. Quel plaisir d’entendre les vieux airs bretons !"
"Ils sont là, les fils d’Armor, écoutant les mélodies de leur pays, et je surprends quelques yeux humides ; ils sont tous là, non seulement les poilus de la 8ème, mais ceux des autres compagnies, et bientôt la moitié du bataillon se rassemble dans la rue ; Ah ! Les jolis airs qu’ils sonnent ! …."

 

"Allons les gars, en place pour la ridée ! Parmi les curieux, des couples se forment ; les artilleurs béarnais et de rares civils ; quelques femmes et quelques enfants regardent curieusement les vieilles danses bretonnes."

 




"Mais on réclame le biniou ailleurs. Et nos sonneurs font le tour du village, s’arrêtant devant le cantonnement de chaque compagnie. Ah ! Je vous assure qu’ils eurent un franc succès, nos joueurs bretons et leurs instruments. Les soldats en oublièrent leurs fatigues, les cuisiniers laissèrent brûler leur ragoût et la soupe fut retardée d’une demi-heure."
"Le soir, c’est encore le biniou qui donna le signal du départ pour les tranchées"

Lettre publiée par le Nouvelliste Breton – 6 juin 1915




"Le Biniou A Poil" ;  journal publié entre 1916 et 1917 par les poilus du 248e Régiment d’Infanterie, caserné à Guingamp.













 

Illustration due au peintre-illustrateur Georges Scott, peintre des armées






 
 


















 



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Cent ans après, le 11 Novembre 2014, dans la petite commune de BOUAYE (en Loire Atlantique),  cinq sonneurs d'aujourd'hui se retrouvent habillés en Poilus pour rendre hommage aux cinquante-deux jeunes Boscéens (habitants de BOUAYE en Loire Atlantique) qui ne reviendront pas, ainsi qu'à tous les Poilus morts pour la France. 
Pour la Commune de BOUAYE, ils représentent 3, 5 % de la population, qui compte alors 1 389 habitants, sans oublier ceux qui reviennent blessés.






















 
















  











 




« La Prière des Tranchées »


Les blés sont déjà hauts, dans les sillons de France, L'été les a dorés, l'été les a mûris.
La moisson sera-t-elle aussi belle qu'on pense ? Est-ce assez de grandeur, d'héroïsme et de cris ?  
Seigneur, nous n'avons pas dans l'abandon des larmes. Oublié votre gloire et trahi votre nom.
Nous n'avons pas douté du retour de vos armes. Le jour va-t-il sonner des résurrections ? 

Notre espoir s'élevait quand nous étions à terre. Nous n'étions que son ombre et nous étions sans voix.
Seul il tendait vers Vous la foi de nos prières, Mais nous voici levés, Seigneur, tous à la fois.  
Les blés jaunes sont hauts entre les forêts vertes. La France attend debout le prix de ses douleurs.
Aux moissons de demain les granges sont ouvertes. Le Jour va-t-il sonner des guérisons, Seigneur ?  
Seigneur, le fruit est lourd qui fait ployer la branche.L’odeur du verger clos promet des jours heureux.
Sous l'opulent fardeau l'arbre geint et se penche, Et la récolte est proche, et le désir nombreux. 
Tant de sang abreuva le champ de la Patrie. Tant de sang accordé pour un immense éveil,
Que chaque fruit de l'arbre en sa pulpe mûrie Mêle un goût d'héroïsme à son goût de soleil. 
Jadis nous n'avions rien que nos paisibles roses. Le jardin regrettait de n'être qu'un jardin.
Mais le voici grandi sous les métamorphoses, Tragique de porter l'orgueil de nos destins. 

Le fruit est lourd, Seigneur, l'après-midi sommeille. Nous n'avons épargné ni l'effort ni l'espoir.
Souffrez que le fruit tombe au creux de nos corbeilles Et que nous rentrions, joyeux, avant le soir.
Le soir tombe, semblable au-dessus des deux lignes Semblable de tendresse et de rédemption.
Encore un jour passé que nous abandonnons Pour mieux aimer demain dont l'espoir nous fait signe. 
Le soir tombe, Seigneur. Sous sa feinte douceur. Que cache-t-il, tendant la trame de son ombre ?
Quel invisible doigt parmi nos rangs dénombre. Ceux dont le dernier jour sera ce jour qui meurt ?
Quels d'entre nous verront le prochain crépuscule ? Quels verront la Victoire et l'ultime combat ?
Notre désir grandit, s'exalte, se débat, Et, douloureux se tend vers le but qui recule.  
Sans la flamme, Seigneur, les flambeaux ne sont rien. Nous sommes les flambeaux et vous êtes la flamme.
Pour l'orgueil de nos cœurs, pour la foi de nos âmes, Seigneur, accordez-nous notre espoir quotidien.
Seigneur, vous n'avez pas exaucé nos prières. Voici les ciels de brume et d'immobilité !
Chaque jour alourdit le poids de nos misères Et nous doutons parfois, Seigneur, de la clarté.
Où sont les fruits promis, les moissons et les roses ? L'hiver a poignardé la gloire du jardin.
Aux espoirs abolis les granges se sont closes Et le vol des corbeaux insulte à nos destins.
Pitié mon Dieu, pitié pour tous ceux qui fléchissent, Pour tous ceux qui n'ont plus la foi qu'il faut avoir.
Plus pur est dans le cœur l'état du sacrifice Quand il ne s'est nourri qu'aux flambeaux du devoir.
D'autres heures naîtront, plus belles et meilleures. La Victoire luira sur le dernier combat.
Seigneur, faites que ceux qui connaîtront ces heures Se souviennent de ceux qui ne reviendront pas.  

Sylvain ROYÉ (1891-1916)

Ce poème publié autrefois par Paul Galland dans son "Histoire de la Grande Guerre 14-18" (Ed. Durassié & Cie 1974, pp. 248-249). La notice introductive, dans le livre de P Galland nous rappelle que Sylvain ROYÉ était breton.


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 Le 1er août 1914, les cloches carillonnent pour annoncer la mobilisation générale. Les hommes quittent leurs familles pour rejoindre leur régiment. C'est le début d'une guerre qui laissera des traces, sur le front et à l'arrière.
Depuis plus d'un an, le travail de mémoire a commencé, coordonné par la municipalité, qui associe l'union des anciens combattants, le lycée d'Orbigny et l'association Bouaye histoire. Tous se penchent sur cette période à travers les archives municipales, départementales et sur le site de l'armée. L'histoire se découvre ainsi par pans entiers.
Ce travail de recherche sera mis en valeur lors d'une exposition de onze panneaux, salle du conseil municipal. C'est le fruit du travail des lycéens et professeurs d'histoire-géographie. À côté des panneaux, « Bouaye histoire » présente des documents originaux, relatifs à cette période, comme des extraits de la correspondance de Pierre Petit, ou encore des extraits d'archives colorées du cantonnement qui s'installera à Bouaye. Car deux régiments resteront sur la commune durant tout le conflit, et les soldats auront des cibles sur le lac. Ils creuseront même des tranchées dans les marais voisins.
La vie du bourg est chamboulée. Les maisons sont réquisitionnées pour loger le 91e régiment d'infanterie et le 45e territorial. La salle Jacqueline-Auriol est construite et sert de foyer pour un détachement en lien avec la station de Basse-Lande, à Brains. Dans cette salle, deux diaporamas seront projetés. Le premier, réalisé par Raphaël Ligtenberg, retrace le parcours d'un poilu australien, et le second complète l'exposition des lycéens autour de destins singuliers de Boscéens.
Cette exposition est  visible à BOUAYE  jusqu'au 30 novembre.


Pour en savoir plus :
-Patrick Malrieu, Binious Militaires, Musique Bretonne,
- Ouvrage Collectif, Musique Bretonne Histoire des sonneurs de tradition, éditions ArMen,
-  Étienne Le Grand, Un regard breton dans la Grand Guerre, Cahiers d’Arkae n°10,
- Jean Pascal Soudagne, Les Bretons dans la guerre de 14-18, Ouest-France,
- Didier Guyvarc’h & Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre :


Sources

Musique Bretonne – Musikebreiz https://musikebreizh.wordpress.com ; Histoire des Sonneurs de Tradition – Le Chasse Marée – Armen 



Extrait du site de la commune de Bouaye  « Bouaye commémore les poilus de 14-18 »

Photos personnelles concernant la commémoration du 11 Novembre 2014