D comme Danses
Le
cidre et le vin coulent à flots jusqu’à ce que
les cadences nasillardes du
biniou appellent à la danse.
Alors
six cents convives se lèvent, les fronts se découvrent, et un vieillard récite
les Grâces, auxquelles la foule répond par un Amen prolongé.
La
danse se forme ensuite dans l’aire,
devant la métairie.
devant la métairie.
Et
c’est une danse à voir,
une danse furieuse, une danse en rond.
une danse furieuse, une danse en rond.
Et ce
grand cercle mouvant, criant, tourne, tourne sans cesse,
Comme
un amas de feuilles d’automne emportées par un tourbillon.
"Une noce bretonne" - La Bretagne Catholique chapitre XIII. ML. Buron 1856.
"Une noce bretonne" - La Bretagne Catholique chapitre XIII. ML. Buron 1856.
Nous savons la Bretagne, riche de
cultures et de traditions, attachée à son passé, respectueuse des personnes qui
ont foulé son sol et dont nous sommes fiers d’être les héritiers.
Ainsi la danse fait partie de cet héritage
qu’il nous faut préserver, au même titre que la langue, la musique et
l’ensemble de son patrimoine.
Chaque famille de danses possède des caractères
qui lui sont propres et reflète l’image du terroir qu’elles habitent. Ainsi
retrouve t’on beaucoup de gavottes à l’ouest, tandis que l’est est plutôt
représentatif des quadrilles.
La première chorégraphie d’une danse de
Bretagne apparait dans « L’orchésographie » de Thoinot Arbeau en 1588.
Jusqu’à cette date, on n’a retrouvé de la danse que quelques occurrences
livresques fort allusives. On y parlait de tors, de caroles, de trihori et de
branles.
Comment s’est opérée l’évolution de ces
quelques formes originelles, peu ou mal
connues, dans les deux siècles qui ont suivi la publication de « *l’orchésographie »
? Comment se sont-elles implantées dans les sociétés paysannes ? Nous
savons que les branles français en rond
ont développé des formes de chaînes plus réduites, transformation qui affectera
la pratique bretonne plus tardivement. Mais nous ne connaissons pas le
processus qui a abouti aux formes du XIXème siècle que le collectage a pu nous
faire connaître.
Autrefois, la danse était une activité intégrée
à la vie quotidienne. Jusqu’au milieu du
XIXème siècle, le répertoire des danses semble avoir été commun aux différentes
couches sociales, aux citadins, aux ruraux et aux villages cotiers. Puis peu à
peu, cette tradition gestuelle est devenue essentiellement paysanne.
La réfection de l’aire à battre revêtait une
signification particulière dans la vie du village, et elle est un exemple d’une
fonctionnalité de la danse particulièrement originale.
On
procède de la même façon que pour rénover la terre battue de la maison. La cour
est défoncée à la pioche, la terre trop morte évacuée pour faire place à un
nouvel argile.
Le propriétaire a fait avertir les environs que
l’opération se ferait tel jour. Au jour dit, les gens se rassemblent de tous
côtés dans la cour en question, chaque famille ayant délégué au moins un de ses
membres pour travailler à danser.
Car il s’agit bien de danse.
Les sonneurs sont là, engagés par le maitre des
lieux. La cour a l’aspect d’une terre labourée. Maintenant il reste à l’aplanir
et à la tasser sous les talons des sabots au rythme des gavottes, des jibidis
et des jabadaos. Et le travail commence avec la fête. Les sonneurs se
déchainent de leur mieux. Le propriétaire s’est entendu avec quelques uns des
meilleurs danseurs qui auront à charge de mener l’opération, tache délicate et
qui requiert de l’habileté.
Dans les années 20/30, le monde rural va être
bouleversé par la mécanisation de l’agriculture ; le paysan devient peu à
peu un technicien agricole et la synergie de l’’entraide n’est plus nécessaire
pour les grands travaux.
Le cœur de la vie sociale n’est plus le
village, mais le bourg vers lequel la bicyclette permet aux jeunes de converger
pour venir y danser valses, polkas et mazurkas, mais aussi charlestons, tangos,
fox-trot et one-step venus d’une Amérique sans doute plus séduisante d’être
plus lointaine.
A mesure que s’étiole jusqu’au souvenir d’une
vie communautaire, qu’on ne connait plus qu’en différé, s’en installe la
nostalgie, parce que la solitude n’est pas le devenir de l’homme. D’autres
structures de regroupements se créent ; associations, clubs de tous
horizons et de toutes pratiques.
La culture traditionnelle va trouver un nouvel
essor, sans doute parce que dans ses racines les plus profondes, elle véhicule
l’essence d’une appartenance communautaire qui s’exprimait dans sa langue, sa
musique et sa danse.
Les tous premiers bagadou naissent dans les
années 40.
Dans les années 60, impulsé par Alan Stivell
qui fait chanter les cordes de sa harpe celtique, chacun revendique une
identité résurgente dont jamais autant de bretons n’avaient éprouvé jusque là
le besoin d’avoir conscience.
Les nouveaux *festou-noz voient le jour, les cercles celtiques apparus
au début du siècle se multiplient, se fédèrent, se conférèrent, créant un
nouveau tissu culturel régional.
Le rôle et la place de la danse dans la société
actuelle n’ont rien de comparable avec le statut qu’elle revêtait dans les
communautés traditionnelles. Il ne faut pas croire en effet que le fest-noz ou
le *fest-deiz d’aujourd’hui sont les fidèles copies des grandes veillées
paysannes d’autrefois.
Cependant
le *fest-noz reste une des passerelles entre la tradition d’hier et sa
réactualisation culturelle d’aujourd’hui.
On peut ignorer radicalement la réalité populaire
de la danse bretonne et l’intellectualiser pour tenter de la confiner dans le
cadre de stages, festifs certes mais déconnectés de toute réalité sociale… il
n’en reste pas moins vrai que si l’on ne chante ni ne danse plus comme dans le
Bretagne d’hier, on danse et on chante encore dans la Bretagne d’aujourd’hui.
La danse bretonne est bien vivante, comme sa
musique, comme sa langue que l’on n’a pas réussi à anéantir, comme l’identité
qu’elle développe, sans exclusion ni repli mais avec le sentiment d’avoir
encore une culture à communiquer dans un réel esprit d’ouverture.
Sources ;
La Danse Bretonne – Alain Pierre et Daniel
Cario – Coop Breizh
La Danse Bretonne pour tous – Maryvonne Bré et
Gilbert Babin – Editions le Télégramme.
Définition
de mots
Fest-Noz – Festou-Noz= fête(s) de nuit
Fest-Deiz = fête de jour
Orchésographie = Manière
d'écrire les danses en indiquant en signes conventionnels les pas sous les
notes de musique d'une partition.
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