DEPORTE
On connaît tous les Camps d’Auschwitz, de Ravensbrück, de
Dachau, mais on connaît moins celui de Neuengamme.
Neuengamme
a été un camp de concentration établi le 13 décembre 1938, au sud-est de
Hambourg sur le fleuve Elbe, d'abord comme camp extérieur du camp de
Sachsenhausen puis transformé en 1940 en camp de travail indépendant (213 000 m2) avec plus de 90 camps
extérieurs annexes.
Les
prisonniers devaient effectuer un travail forcé dans une briqueterie qui se
trouvait sur place, et plus tard dans l'industrie de l'armement ainsi que pour
la construction d'installations militaires (Friesenwall).
Jusqu'en 1945,
106 000 personnes des pays occupés par l'Allemagne, de 28 nationalités
différentes, ont été déportées et internées dans ce camp, dans des conditions
de vie et de travail inhumaines. Environ 55 000 en sont mortes. Cela
correspondait au slogan de ce camp : « épuisement par le
travail ».
À
Neuengamme, sévissait le docteur SS Kurt Heißmeyer qui effectua des expériences
avec le bacille de la tuberculose sur des déportés et sur vingt enfants juifs,
âgés de moins de 12 ans, arrivés d'Auschwitz le 29 novembre 1944. Dans la nuit
du 20 au 21 avril 1945, quelques jours avant la fin de la guerre, dans la cave
de l'école de Bullenhuser Damm, un bâtiment qui servait de camp extérieur
depuis octobre 1944, les vingt enfants, les deux médecins français qui
s'occupaient d'eux, le professeur Florence et le docteur Quenouille, leurs deux
infirmiers néerlandais et une trentaine de prisonniers soviétiques, furent
pendus. Les nazis espéraient ainsi faire disparaître les traces de ces
expérimentations sur des cobayes humains avant l'arrivée des troupes
britanniques. Après la guerre, le Dr Heissmeyer a exercé la
médecine, avant d’être condamné en juin 1966 à la prison à perpétuité par un
tribunal allemand.
Après
la libération des prisonniers de Buchenwald le 11 avril 1945 par l'armée
américaine, les SS commencent, le 6 avril 1945, à faire évacuer le camp de
Neuengamme devant l'approche des armées alliées. 4 000 prisonniers partent
d'abord en convoi vers Bergen-Belsen, puis l'évacuation se poursuit jusqu’au 18
avril. Le dernier convoi part le 27 avril avec les gardiens et les archives,
qui ne sont pas retrouvées. Lorsque les troupes de la 82e division
aéroportée du général Gavin atteignent le camp, le 4 mai 1945, plus aucun
déporté ne s'y trouve et les traces des exactions nazies sont effacées.
Marcel
LEMESRE, né le 23 octobre 1911 à LILLE, gendarme de la Brigade de Gendarmerie
de VILLENEUVE (Ain), détaché à Bourg pour le maintien de l’ordre, est déporté
au Camp de Neuengamme avec le convoi au départ de Compiègne le 15 Juillet 1944.
L’oncle de mon mari m’a
remis une copie d’un courrier qu’il conservait, émanant de la Gendarmerie de
Villeneuve en date du 18 novembre 1944, et adressé à Monsieur LEMESRE, le père
de Marcel, qui faisait des recherches sur son fils disparu.
Je me suis donc mise à
chercher quelles ont été les circonstances réelles de son arrestation et de sa
déportation, J’ai réussi, grâce à des aides de part et d’autre et voici une « petite
partie » ce que j’ai pu trouver ;
Il est indiqué sur le procès
verbal de renseignements N° 596 du 27 mai 1944, de la Gendarmerie Nationale –
Légion du Lyonnais, Compagnie de l’Ain, Section de Bourg, Brigade de Bourg, ce
qui suit ;
« Ce
jourd’hui 27 mai 1944 à 9 heures, nous soussigné ROSSILLON Emile Adjudant Chef
de Gendarmerie, à la résidence de Bourg, département de l’Ain, revêtu de notre
uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, étant à notre résidence, avons
été chargé par notre Commandant de Section de procéder à une enquête relative
aux circonstances de l’arrestation par les troupes d’opération des gendarmes
LEMESRE et ROLLOT de la compagnie de gendarmerie de l’Ain. Nous avons recueilli
les renseignements suivants ;
« Mr
FOURREAU Albert, chauffeur à la Compagnie des Tramways de l’Ain, à Bourg, nous
a déclaré ;
« Hier
26 mai 1944, vers 21 Heures, je me trouvais à la terrasse du Café Geoffray,
avenue du Maréchal Pétain à Bourg, en compagnie de mon camarade BOYAT Raymond,
lorsque j’ai vu deux gendarmes accompagnés de deux dames venir s’attabler à la
terrasse à proximité de nous. »
« Une
voiture automobile de tourisme, traction avant, couleur noire, stationnait sur
la route devant l’établissement ; les cinq passagers de ce véhicule se
trouvaient dans la salle du débit. »
« Quelques
instants après, une voiture automobile de l’armée allemande est passée sur la
route devant le café Geoffray, en direction de Bourg ; elle transportait
des militaires allemands et des miliciens ; je crois qu’il s’agissait d’une
voiture de la gendarmerie allemande. »
« Aussitôt
après son passage, l’un des deux gendarmes s’est exprimé ainsi à haute voix « vous
avez vu l’auto qui vient de passer, une rafale de mitraillette serait bien
placée la dedans.»
« J’ai
remarqué qu’un civil se trouvait sur la porte d’entrée de la salle du café, il
a certainement entendu la réflexion du gendarme et a averti ses camarades.»
« Ensuite,
les deux gendarmes et les deux dames qui les accompagnaient sont partis à pied
vers bourg, puis la voiture automobile et ses quatre occupants sont partis sur
la trace des deux gendarmes qui venaient de partir et qui se trouvaient à
80mètres environ. Je n’ai rien vu d’autre, car je suis entré dans ma chambre,
située à l’hôtel Perret à proximité.»
« Cet
incident s’est déroulé rapidement.»
D’autres témoignages sur ce
procès verbal confirment ces dires, et précisent que la voiture a rejoint les
deux gendarmes au carrefour près de l’hôtel du commerce. Deux civils sont
descendus de l’automobile, et ont interpellé les gendarmes, en leur demandant
de les suivre à la Feldgendarmerie.
Peu après, les mêmes hommes revenaient
sur les lieux et arrêtèrent le tenancier du café et quatre consommateurs parmi
lesquels deux commerçants des alentours.
Des renseignements fournis
par la Feldgendarmerie de Bourg, à la Gendarmerie Française, il résulte que la
bande en question était, en réalité, une équipe d’ ‘employés du S.D
Allemand.
Marcel a ensuite été conduit à Lyon au fort
Montluc, puis transféré à Compiègne avec un camarade. Tous deux ont ensuite été
conduits en Allemagne le 13 Juillet 1944.
Dans la lettre adressée par
la Gendarmerie de Villeneuve au Père de Marcel,
le signataire écrit :
« Il
est probable qu’il est interné la bas avec tant d’autres qui n’ont fait que
leur devoir de Français. Il serait souhaitable que la guerre finisse au plus
tôt, pour ne pas qu’il ait à passer un hiver qui s’annonce précoce. Si parfois,
j’avais des renseignements sur votre fils, je me ferais un plaisir de vous en
faire part aussitôt.
Il
nous reste plus qu’à attendre la fin de cette tragédie pour retrouver tous les
siens, et la joie de vivre. »
Malheureusement,
Marcel ne reviendra pas.
Il décédera au camp de
NEUENGAMME, le 15 MARS 1945, peu de temps avant la libération du camp,
Il portait le numéro 36844.
Le décès a été enregistré au
« Standesamt » de Hamburg Neuengamme sous le numéro 78/1947.
Motif du décès « Chron.
Darmkatharr » (coliques chroniques en français).
L’emplacement de la tombe de
Marcel n’a pu être déterminé. Le corps a vraisemblablement été incinéré.
Les effets ont été retournés
à la famille.
L’avis
officiel de décès n° 565 612/13 établi par le Ministre des Anciens
Combattants et Victimes de Guerre en date à PARIS du 18 Juillet 1946 indique
« Mort pour la France ».
Marcel (déjà titulaire de la
croix de guerre (étoile de bronze), est cité pour la croix de guerre (étoile d’argent)
et il obtient la médaille militaire à titre posthume par décret du 14 janvier
1948.
Difficile d’écrire cet
article sur Marcel, son arrestation et sa déportation, tant par le nombre de
choses à dire, que par l’émotion que cela me provoque.
J’ai reçu pas mal de
documents qui sont pour certains écrits en allemand et que je dois prendre le
temps de regarder et d’analyser.
J’ai donc pour le challengeAZ
résumé l’essentiel, mais je reviendrai sur Marcel plus tard, lorsque l’émotion
sera moins forte, et que je serai plus sereine pour écrire sur sa vie et sur ce camp de Neuengamme.
Merci à tous ceux qui m’ont
aidé pour trouver des documents
-groupes sur Facebook, « généalogie
Récap » « prisonniers de guerre »
-Archives de l’Ain,
-Archives du Nord,
-Service historique de la
Défense,
-l’Association « Mémoire
déportation »,
-l’Association « L’Amicale
de Neuengamme »,
-Lisa Damm pour s’être
déplacée aux Archives de Vincennes.
Sources images camp :
https://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=239
Wikipédia
Photos Marcel – sources familiales - autorisation de publier de A. LEMESRE.
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