N comme Noces Bretonnes
Les noces n’ont pas lieu à n’importe quel
moment de l’année ni n’importe quel jour de la semaine, car, pour des raisons
pratiques ou selon les traditions religieuses et culturelles, il y a des
moments prohibés et d’autres plus usuels.
Trois ou quatre raisons permettent de
comprendre que certaines périodes ne conviennent pas à la célébration des
mariages.
L’église tout d’abord impose une série d’interdits
religieux en relation avec le calendrier liturgique.
La deuxième raison est plutôt coutumière et
concerne les mois les plus froids, qui empêchent de se réunir facilement.
La troisième est d’ordre économique et pratique ;
les travaux agricoles ou les campagnes de pêche nécessitent d‘utiliser chaque semaine
à plein et il est évidemment impossible d’organiser les fêtes du mariage au
moment des foins, des moissons ou en d’autres lieux, des vendanges ou des
expéditions de pêche à la morue ou à la sardine.
Quel jour se marie-t-on ? En général en
début de semaine mais tout dépend du contexte général, de la richesse de la
famille, de la rue de la noce ou de la région considérée.
Le jour le plus conforme est le mardi et dans beaucoup de pays de Bretagne, c’est le jour privilégié pour les mariages suivi du mercredi ou du lundi.
Quant aux heures de la cérémonie religieuse, elles sont fixées elles aussi par
la coutume. Jamais avant le lever du jour, jamais l’après midi, ce qui laisse
entre 8/9 heures et midi, toujours après la cérémonie en mairie.
Les mariages collectifs sont fréquents dans le monde rural breton, car cela permet d’abaisser les frais et de régler le sort des frères et sœurs qu’un mariage de l’ainé aurait pu défavoriser.
Les voyageurs, les artistes ou les touristes
autant que les ethnologues ont été frappés par la beauté et la diversité des
costumes de fête ou de mariage dans la Bretagne des XIXème et XXème siècles.
Deux ou trois détails permettent de dater les
portraits de mariés et leurs costumes originaux avant que les robes blanches ne
s’imposent à partir des années 1910/1920. La jupe est longue et tombe sur les
pieds à l’origine puis elle se raccourcit petit à petit.
Les mariés portent
une couronne ou un diadème haut, des fleurs d’oranger, une ceinture, d’abord en
tissu puis en guirlande de fleurs d’oranger.
Lorsque arrive le jour du mariage il faut que
tout se déroule suivant les règles traditionnelles et ont doit obéir à tout une
série de rites précis, plus ou moins importants suivant les régions, mais dont
l’observation scrupuleuse est impérative.
Les heures qui s’écoulent du lever du jour
jusqu’à la messe sont ponctuées par plusieurs étapes ; la toilette de la
mariée, l’arrivée du fiancé avec joute oratoire, simulacre de rapt ou de
résistance de la jeune fille et de sa famille, le cortège vers la mairie
accompagné de diverses réjouissances, les cérémonies enfin, à la mairie et à l’église.
La sortie de l’église est un moment très
attendu par les badauds et les invités qui sont pressés d’applaudir les mariés,
observer et admirer les costumes mais aussi d’entamer les réjouissances
profanes. Le cortège se forme donc derrière les jeunes mariés pendant que les
cloches résonnent et que les premiers airs de musique se font entendre.
Pour tenir la matinée, on mange et on boit quelques
« lichouseries » propres à caler l’estomac. On mange des beurrées et
on distribue du pain bénit coupé en petit morceaux, bonne occasion pour chacun
de se saluer et de féliciter les héros de la journée et leurs parents.
Le temps passe, et il faut arracher du comptoir
les retardataires pour se diriger vers les lieux du festin.
A leur arrivée sur les lieux du repas, les
mariés sont accueillis par un vin d’honneur ou par des personnes qui leur
offrent une collation, le plus souvent des gâteaux, du cidre ou du vin blanc.
Les mariés sont alors placés solennellement à
la table d’honneur, ce qui ne signifie pas forcément qu’ils président.
Voisins et amis invités à la noce offrent des
présents alimentaires ; beurre, lait pour faire les fars… Outres les
cadeaux rituels offerts par la famille (bijoux, livres religieux, médailles,
parures…) le mariage est l’occasion d’offrandes spécifiques ; assiettes
matrimoniales, écuelles patronymiques, verres gravés.
Les mariages modestes ou moyens ne dépassent pas la centaine de personnes. Les repas des grands mariages se déroulent le plus souvent à l’extérieur dans les champs.
Lorsque la fête regroupe plusieurs centaines de
personnes (elle peut dépasser mille ou mille cinq cents individus dans des cas
de mariages collectifs ou d’unions de notables ruraux) il faut s’installer en
plein air, à proximité des bâtiments ou se font les préparatifs. Les tables
sont disposées sur des tréteaux, et on s’assoit sur des bancs ou sur des
échelles dressée sur champ entre deux pieux de bois.
Dans les grands repas cornouaillais, on procède
de façon plus rustique. A la charrue, on creuse des tranchées parallèles. On s’assoit
sur les rebords, les pieds dans la tranchée, de simples planches tenant lieu de
table sur la banquette centrale rehaussée de terre.
Sur les tables, des verres, des bouteilles, des
écuelles mais rarement des couverts. Chacun apporte les siens.
Les
cuillères de noces. Jusqu’au début du XXème siècle, la Bretagne occidentale
connait la tradition des cuillères de noces en bois sculpté d’une grande beauté
décorative. Ce sont parfois des cadeaux ou des « gages d’amour » et
les cuillères ont alors la forme d’un cœur ;
Certaines sont rigides,
d’autres pliantes. Le décor sculpté, peint ou teinté, est soigné et riche. ;
Fleurs, entrelacs, soleils, rosaces, ostensoirs ou symboles religieux,
feuilles, serrures, chaines…
Pour nourrir autant de
personnes, il faut une préparation bien rodée et la collaboration d’amis,
parents ou voisins bien organisés. Les viandes, abattues
quelques jours à l’avance sont préparées dans la ferme et cuites dans d’immenses
marmites de fonte installées en plein air.
Entre les services ou à
la fin du repas, les musiciens et les chanteurs donnent des intermèdes et petit
à petit, l’atmosphère s’échauffant, on peut en arriver à des jeux ou des farces
de circonstance, alors que chez les familles les plus pieuses on récite des
prières pour les défunts et les mariés vont visiter les mendiants.
Les fins de repas
oscillent entre les romances sensibles et des coutumes plus viriles, destinées,
dit-on, à garantir la fécondité des époux.
Quant le repas est
achevé vers 16 ou 17heures, chacun quitte les tables (ou les échelles) pour
participer aux danses pendant que les servantes desservent et préparent le
repas du soir.
Les musiciens sont
alors les héros de la fête. Dans la plus grande partie du pays bretonnant, le
couple biniou bombarde, qui a conduit les défilés, mène les danses, et
traditionnellement les deux hommes se placent en hauteur, leurs chaises juchées
sur des tonneaux, pour dominer l’assistance.
Ce « rite »
du mariage est une occasion de réjouissances exceptionnelles, qui permet à une
communauté familiale ou villageoise de se divertir, de se retrouver, de s’identifier.
J’évoquerai dans un
autre article en dehors du challenge AZ, la suite des noces bretonnes – les photographies
de mariage, la nuit de noces, les retours et prolongement du mariage.
Sources images et
textes ;
Fiançailles et noces en
Bretagne – Bertrand Frélaut aux éditions Ouest France. Musique bretonne (
Histoire des Sonneurs de Tradition Editions Le Chasse Marée – Armen)
Gallica
Gallica
Photos cuillères
personnelles, (une galloise, une bretonne pliante)
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