JAMBE DE BOIS, CACHETTE INSOLITE et DESTIN
TRAGIQUE
Eugène GREAU voit le jour le 24 avril 1864.
Ses parents, Eugène G. et Virginie G. tous deux
cultivateurs, sont établis sur la commune de Chavagnes en Paillers, Canton de
Saint Fulgent, département de Vendée.
Très jeune, vers 10 ans, il laboure dans un
champ avec son père et tout d’un coup le brabant (charrue réversible) tombe sur
sa jambe.
Une mauvaise
blessure, qui oblige les médecins à lui couper la jambe.
On lui fabrique alors une jambe en bois, mais
du coup, il ne peut reprendre l’exploitation de la ferme. Il se reconvertit en
tailleur d’habits.
Il se marie le 30 mai 1893, il a alors une
trentaine d’années, avec Philomène B. De leur union naitront 6 enfants entre
1894 et 1902.
Philomène décède en février 1903, et Eugène
se remarie en mai 1905 avec Marie-Constance G. Aucun enfant ne naitra de cette
union.
Eugène était tailleur d’habits dans le bourg
de Chavagnes. Tout près de chez lui, vivait une jeune femme âgée d’environ 23
ans, avec qui il avait des relations extra conjugales.
Un jour cette jeune femme se trouva enceinte
de lui. Eugène est marié, père de six enfants, la jeune femme ne peut garder
cet enfant.
Ils ne trouvèrent pas d’autres solutions que
de faire avorter la jeune femme.
Sans doute, cela s’est su, et le parquet de
la Roche, avisé de la situation, s’est transporté sur les lieux afin
d’enquêter sur cette affaire d’avortement commis dans cette localité sur la
jeune femme.
Voici ce que rapporte le numéro 10 du « Journal
des Sables d’Olonne et Courrier de la Vendée réunis », dans un article du
17 février 1910.
« A
la suite de l’enquête faite sur les lieux, la gendarmerie arrêta comme complice
le nommé Eugène GREAU tailleur d’habits, âgé de 45 ans, et père de cinq
enfants.
« Eugène
GREAU fut conduit à la gendarmerie de l’Herbergement, où il fut enfermé après
qu’on l’eut fouillé.
Le
samedi matin suivant, le gendarme H. se disposait à aller porter la soupe au
prisonnier.
En
ouvrant la porte de la chambre de sureté, un horrible spectacle s’offrit à sa
vue. Eugène GREAU gisait dans une mare de sang : un canif se trouvait près
du cadavre.
Eugène
GREAU avait dissimulé un canif dans sa jambe de bois, ce qui fait qu’en le
fouillant les gendarmes ne l’avaient pas retrouvé.
A
l’aide de ce canif, Eugène GREAU s’était entaillé profondément la gorge. La
blessure partant de la mâchoire supérieure allait aboutir derrière les muscles
du cou, elle était longue de près de 12 centimètres. La carotide était coupée
net.
Le
parquet revient samedi pour constater le décès. Le cadavre du suicidé a été
inhumé dimanche dans le cimetière de l’Herbergement.
La
jeune femme quant à elle a été laissée en liberté provisoire. »
L’extrait de l’acte de décès d’Eugène précise
qu’il est décédé dans la nuit du 11 au
12 février 1910 à minuit
La « parole familiale » indique
qu’Eugène aurait tué son enfant à la naissance. Le journal visé ci-dessus parle
lui d’avortement.
Je n’ai pas souhaité écrire sur l’’avortement
ou l’infanticide en particulier, ni faire le procès d’Eugène, mais simplement
raconté son histoire et son destin tragique.
Il est probable que si
Eugène ne s’était pas donné la mort, il aurait été dans les deux cas
(avortement ou infanticide) condamné à une peine d’emprisonnement.
L’avortement est un acte qui a eu lieu de tout temps. A la différence de
l’infanticide, il laisse peu de traces, sauf quand la femme en meurt ou quand
il est réprimé.
L’histoire de l’avortement évolue au cours
des temps, au rythme des mutations sociales et mentales, et en lien avec les
possibilités techniques et scientifiques de chaque époque.
L'avortement
a toujours été un tabou plus ou moins avoué avec des condamnations toujours
unanimes et sujet à controverses (encore aujourd'hui) mais dont la gravité
"variait" selon les époques... Par exemple au moyen-âge l'avortement
était placé au même niveau qu'un homicide et était donc passible de mort. Au
18ème siècle la peine de mort est remplacé par 20 années d'emprisonnement pour
l'avorteur(se). En 1810 Napoléon adoucit la condamnation en n'assimilant plus
l'avortement à un infanticide.
En
1820 le code pénal français met tout le monde dans le même paquet... ceux qui
aident, pratiquent ou qui subissent l'avortement sont passibles d'emprisonnement,
les professionnels de la médecine sont condamnés aux travaux forcés.
En
1920 la loi se durcit, interdiction totale pour l'avortement et la
contraception. Toute propagande anticonceptionnelle est interdite. L'avortement
est un crime et passible de la Cour d'Assise.
De nombreuses femmes ainsi
que quelques hommes se sont battus pour qu’une loi soit mise en place dans les
meilleures conditions, rendant l'acte médicalement sécurisé et légalement
autorisé et non répréhensible.
Sources ; Histoire
familiale : Archives Vendée ; wikipédia ; http://www.societe-histoire-naissance.fr/spip.php?article43 http://tpesimoneveilsns.e-monsite.com/pages/a-histoire-de-l-avortement-dans-le-monde-en-france.html
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